Ce site s’appelle Formule moy1 pour une raison : il célèbre les cancres de la Formule 1. Mais aujourd’hui, je ne peux que saluer la performance XXL de Pierre Gasly après ce Grand Prix d’Italie 2020. J’aimerais donc faire une petite entorse à notre ligne éditoriale. Oubliez les “moments moy1” cinq petites minutes. Aujourd’hui, fêtons plutôt les nombreux coups de génie de Pierre Gasly.
24 ans que nous attendions une victoire française en Formule 1. Rendez-vous compte. 24 longues années de doute, de désillusion, de résignation. Dimanche, qui aurait pu croire qu’un Français qualifié en dixième position dans une voiture de seconde zone allait terminer sur la plus haute marche du podium ? Ni vous ni moi, c’est certain.
Mais Pierre Gasly est tout bonnement imprévisible. Le Français a fait parler tout son talent pour arracher le drapeau à damiers des mains de Carlos Sainz et des 18 autres fous furieux derrière lui. Et bordel, qu’est-ce que l’ascension vers le sommet fut dure pour le Normand. Il a stagné en GP2, a erré en Super Formula, loin, bien loin des circuits de Formule 1… Rien n’a été promis à Pierre Gasly, et c’est cela qui rend son premier succès en catégorie reine encore plus beau.
BAHREÏN 2018 : L’EXPLOSION
Dès sa première saison complète en F1, Gasly prouve à la face du monde qu’il n’est pas la moitié d’un pitre. Avec un moteur Honda aux fesses ayant causé moult tracas à McLaren par le passé, Gasly place sa voiture en cinquième position au départ du Grand Prix de Bahreïn 2018. Sur la grille, sa modeste Toro Rosso colle aux basques des Ferrari, des Red Bull et même des Mercedes !
Partir aussi haut sur la grille de départ amène aussi son lot d’anxiété. Les jeunes pilotes inexpérimentés ont la fâcheuse tendance à craquer sous la pression des gros bras lors des premiers tours. Mais pas Gasly. Le dimanche, le pilote Toro Rosso garde la tête froide et résiste aux attaques désespérées de Kevin Magnussen. Au bout de 57 tours et d’une heure et demie de course, Gasly est gratifié d’une quatrième place, au pied du podium.
Vraiment, cette quatrième position en course a le goût d’une victoire. Car pour sa septième course dans l’élite, le Normand a prouvé à Red Bull, son employeur, qu’il avait le talent requis pour piloter leur voiture…
HONGRIE 2019 : LE DOUTE S’INSTALLE
Cette opportunité, Red Bull a fini par lui donner en 2019, lorsque Daniel Ricciardo a claqué la porte du team. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. Dès les essais privés, alors que nous sommes encore à plusieurs semaines du premier Grand Prix, le Français détruit sa voiture… deux fois. Pire, il se qualifie mal et peine à surfer sur le ventre mou du peloton malgré sa voiture largement supérieure. On commence donc à douter. Et si Gasly n’était pas aussi bon qu’il le prétend ?
Laminé par son nouvel équipier, le wonderkid Max Verstappen, Gasly fait aussi douter son employeur. Et ce n’est jamais bon signe. Le couperet tombe au soir du Grand Prix de Hongrie 2019 : le Français est renvoyé chez son ancienne équipe Toro Rosso. Pierre Gasly n’aura disputé que 12 petites courses sous les couleurs de Red Bull, avec une quatrième place comme meilleur résultat.
Je ne vais pas vous mentir, je m’attendais clairement à voir Gasly sombrer dans une sorte de “dépression de pilote” suite à cette décision. Mais, bizarrement, l’inverse s’est produit. Malgré une rétrogradation dans une voiture moins performante, Gasly est resté très compétitif. C’en est même paradoxal, puisqu’il performait mieux dans la Toro Rosso que lors de son passage éclair chez Red Bull ! L’exemple le plus criant est celui du Grand Prix du Brésil 2019.
BRÉSIL 2019 : LA RENAISSANCE
Sur le circuit d’Interlagos, le pilote français se place rapidement comme “meilleur des autres”. À savoir premier pilote derrière le trio magique Mercedes-Ferrari-Red Bull. Sauf que les esprits s’échauffent et les cartes sont redistribuées. Valtteri Bottas se retire dans un panache de fumée, Charles Leclerc et Sebastian Vettel s’accrochent et finissent de brûler le semblant d’ordre qui subsistait chez Ferrari.
Et c’est précisément la neutralisation des deux Ferrari qui donne à Gasly la chance d’une vie. Une chance qu’il saisit des deux mains.
L’arrêt surprise de Lewis Hamilton en bout de course permet au Français de remonter encore plus dans le classement. Mais problème, il voit la flèche d’argent en gros plan dans ses rétroviseurs… Et se fait avaler par celle-ci quelques instants plus tard. Pas découragé pour un sou, Gasly reste dans le sillage du trio de tête et repasse devant Hamilton quand celui-ci expédie Alex Albon dans le décor ! Gasly est deuxième à un tour du but !
Ce dernier tour, la France le vit à deux mille à l’heure. Le Goliath Hamilton et le David Gasly sont roue dans roue. À tout moment, le pilote Toro Rosso peut craquer sous cette pression folle et commettre rien qu’une toute petite erreur. Mais il n’en est rien. Jusqu’au bout du suspense – les deux hommes franchissant la ligne côte à côte – la deuxième place est finalement décernée à Pierre Gasly, qui monte ici sur son premier podium en Formule 1 !
Le cri de joie du Français nous transperce les oreilles mais il vient du cœur. Ce cri, c’est la réponse aux saisons pas top en GP2. C’est la réponse à cette équipe Red Bull qui l’a viré trois mois plus tôt. C’est la réponse à ceux qui ne le voyait pas durer en Formule 1. Ce premier podium vient de changer la donne.
ITALIE 2020 : LA RÉCOMPENSE
Les amateurs de F1 le confirmeront, la plus haute marche à franchir dans ce sport est celle qui sépare une deuxième place de la première. Lorsque Gasly obtient son podium brésilien, c’est un cadeau tombé du ciel. Je vous rappelle que son écurie s’appelle Minardi à la base. Minardi et le podium, c’est comme l’eau avec l’huile : ça ne peut pas aller ensemble. C’est donc évident de voir Gasly retrouver le milieu du classement lors des courses suivantes. En revanche, il bénéficie d’un avantage que ses adversaires n’ont pas : des stratèges hors pair.
À l’occasion du Grand Prix d’Italie 2020, les mêmes hommes qui ont placé Daniil Kvyat sur le podium concoctent une stratégie aux petits oignons pour Gasly. Car dès que la Haas de Kevin Magnussen s’arrête en piste, moteur coupé, le Français est le premier – et surtout le seul – à réagir et rentrer aux stands au cas où la direction de course ne sorte la voiture de sécurité. Et coup de bol, elle sort.
Les autres pilotes s’arrêtent aussitôt mais c’est trop tard. Ils perdent un temps monstre dans l’affaire et Gasly gagne tellement de positions “gratuites” qu’il se retrouve troisième ! Propulsé en tête de la course quelques minutes plus tard, Gasly a 26 tours devant lui pour réaliser l’impensable : gagner la course. Il faut dire que derrière lui, il n’y a que les McLaren et les Racing Point. Ok, ces voitures sont un petit peu plus rapides que la sienne. Mais l’écart de performance reste faible. Le Normand peut créer l’exploit s’il garde la tête froide et les roues dans les limites de la piste.
26 tours pour mettre fin à 24 ans d’insuccès tricolore. Croyez-moi, quand on n’a jamais vu de son vivant un pilote français gagner un Grand Prix de Formule 1, ces 26 tours ont duré une éternité. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans la tête de Gasly à ce moment-là mais dans la mienne, tout était clair : il va la gagner cette foutue course. Malgré l’infériorité de sa monoplace, malgré le retour de Carlos Sainz – deuxième – je savais que Gasly n’allait pas commettre une seule erreur.
Et voilà, le compteur vient finalement de s’arrêter au bout de 8 876 longs jours. Le dimanche 6 septembre 2020 n’est certainement pas le plus grand jour de l’histoire française en sport automobile mais qu’est-ce qu’il nous a fait du bien.
9 ans après ses débuts en monoplace, Pierre Gasly est enfin récompensé. 24 ans après le Grand Prix de Monaco 1996, les spectateurs français le sont aussi.
Merci Pierre. Merci pour tout.
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Ha enfin te revoila !!
Bravo Pierro ! Quels moments !!! J’ai vécu les victoires de Prost, Alesi, Panis… Et bien je l’aurai attendu celle là 😉