Si elle sert à relancer l’intérêt d’une course, sa première apparition a fait tout le contraire. Nos amis anglos et saxons l’appellent pace car ou safety car. Retour sur les débuts calamiteux de la voiture de sécurité en Formule 1 !
J’ai remarqué que la Formule 1 ne peut pas vivre sans voiture de sécurité. Ce véhicule de catégorie B fourni par nos amis de Mercedes est devenu indispensable. Permettant de regrouper une vingtaine de fous furieux, c’est bien la safety car (SC pour les intimes) qui relance l’intérêt des courses.
Et comme les courses gonflantes sont légion, eh bien la voiture de sécurité est devenue indispensable. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Bien sûr que les courses “somnifère” existent depuis la naissance du sport auto, c’est dans ses gênes après tout. Mais dans l’ancien temps, on devait composer sans voiture de sécurité. Voyez plutôt cet exemple parlant, extrait d’un dialogue entre deux personnes fictives en 1970 :
“Oh tiens, [insérer un pilote] a une avance de 58 secondes sur le second… Bon bah, à la semaine prochaine.”
Cette phrase a traversé les décennies. Du moins, jusqu’en 1973. Cette saison-là, la Formule 1 a introduit un véhicule capable de transformer un Grand Prix. Mais, comme à chaque début, il y a eu des ratés. Des gros même. Le plus gros n’est autre que la première course avec une voiture de sécurité : le Grand Prix du Canada 1973.
MERCI JODY
Avant la construction du circuit Gilles Villeneuve, le Canada avait deux pistes pour accueillir la F1 : Mont-Tremblant et Mosport. Les deux sont des circuits rapides, vallonnés, dangereux. C’est le second qui porte le label “Grand Prix du Canada” en 1973. Contrairement à Mont-Tremblant – qui a un nom qui pète, ne nous mentons pas – Mosport est rikiki. 3900 mètres, temps au tour en dessous des 75 secondes.
Circuit dangereux + circuit petit + bolides lancés à 300 kph + pluie de dernière minute. Comment cela pourrait mal finir ? Je vous arrête immédiatement, si la voiture de sécurité est sortie ce 23 du 9 en 73 à Mosport, c’est pour une autre raison. L’origine de cette sortie impromptue et calamiteuse s’appelle Jody Scheckter.
À cette époque, le Sudafricain débutait en Grands Prix chez McLaren. Et avant d’être un champion du monde qu’on oublie facilement, Jody était un bon gros bourrin. En 1973 toujours, il provoque un carambolage exceptionnel à Silverstone, le plus gros que la F1 ait connu. Et dans les seventies, les mecs qui sortaient tout le temps de la piste avaient une sale réputation. Il faut dire qu’un mauvais crash = mort. Alors imaginez faire la course contre un pilote à l’accident facile…
Mais revenons à nos moutons. Trente-deuxième tour du GP du Canada 1973. François Cevert sur sa Tyrrell harcèle Jody Scheckter pour le compte de la quatrième place. Le Français tente une attaque au tour suivant, sauf que Scheckter ne cède pas. C’est l’abandon pour les deux hommes avec un gros carton en prime pour le pilote Tyrrell. Ce dernier sort en furie de sa monoplace et se rue sur le Sudaf’ avec la même haine que Tyson contre Holyfield back in 97. Une fois la tension retombée, Cevert déclarera sobrement “Scheckter est un con”. Propre, concis, efficace.
ET LA, C’EST LE DRAME
L’accident a étalé des centaines de débris et autres merdes sur la piste. Plusieurs pilotes crèvent en roulant dessus. De plus, Cevert s’est fait mal et deux ambulances débarquent sur le circuit alors que les bolides sont lancés à pleine balle ! La direction de course, sentant que cela peut mal finir, décide sereinement d’envoyer un troisième véhicule en piste.
Rassurez-vous, c’est une Porsche 914 visant à ralentir les voitures. Mesdames et messieurs : la voiture de sécurité. Mais tout part de travers en très peu de temps. On indique au pilote de la safety car d’attendre Stewart, leader au tour 33. Sauf qu’entre temps, le pilote Tyrrell s’est arrêté à son stand et son pitstop s’éternise !
Jean-Pierre Beltoise est le nouveau meneur mais dans la confusion, les organisateurs poussent la Porsche à se placer devant Howden Ganley, huitième ! Le peloton qui se forme alors derrière la SC n’a ni queue ni tête. Des hommes à un tour se retrouvent devant les leaders, les positions s’inversent… Le pire n’a même pas été évité, la safety car a laissé filer les trois premiers ! Ceux-ci finissent par regagner le paquet, en queue de peloton, mais maintenant avec un tour d’avance !!
Même Ganley est estomaqué d’être le premier pilote derrière la 914. A plusieurs reprises, le Néo-Zélandais gesticule dans son cockpit, laissant entendre un certain scepticisme sur la décision des officiels. Au 45e tour, on se décide enfin à faire rentrer la voiture de sécurité. Cette dernière aura donc parcouru dix tours. Pensez-y la prochaine fois que vous vous plaigniez qu’elle reste trop longtemps en piste.
TRENTE TOURS POUR UN PODIUM
Au restart, Emerson Fittipaldi croque facilement Ganley et se croit en tête. La réalité est tout autre. Le Brésilien a quarante secondes à aller chercher, en 35 tours, pour accrocher le podium. Mission impossible ? Pas du tout ! Devant, Jean-Pierre Beltoise et Jackie Oliver conduisent des voitures passables, à deux doigts de rendre l’âme.
Si le Brésilien du Team Lotus a une infime chance de se faire un Oliver voire un Beltoise, c’est bien le bout du monde. Car Peter Revson file à la vitesse du vent. Et on peut dire qu’il l’a bordé de nouilles ! L’Américain était perdu en neuvième position au moment de l’accident entre Scheckter et Cevert mais a profité de la SC pour se glisser dans le wagon des “chanceux”. Deux tours après le drapeau vert, Revson se défait des deux voitures anémiées de tête et s’empare du commandement !
Avant-dernier tour, Fittipaldi a rattrapé tout son retard sur le podium et attaque coup sur coup Oliver et Beltoise. Le Français se fait aussi dépasser par Oliver dans l’affaire car il ne cherche même pas à défendre sa place ! Il faut dire que depuis l’intervention de la voiture de sécurité, plus personne ne sait à quelle position il évolue.
Dans le dernier tour de course, Colin Chapman vient saluer le vainqueur. Le patron et fondateur du Team Lotus avait l’habitude de jeter sa casquette en l’air lorsque l’un de ses pilotes gagnait la course. Pensant que Fittipaldi est en tête, Chapman effectue son rituel. Mais le drapeau n’est pas agité ! L’homme manque de se faire renverser. La casquette, elle, n’a pas survécu. RIP (en paix, bien entendu).
REVSON VAINQUEUR SANS FORCER
Quarante secondes plus tard, on présente enfin le drapeau devant un groupe composé de Ganley, Hailwood, Revson et Hunt. Pour les spectateurs, commentateurs et autres observateurs, il semble que ce drapeau est montré “au pif”. En réalité, c’est bien Peter Revson qui est le vainqueur de la course. Le pilote McLaren a même effectué un tour de plus !
L’après-course est plongée dans l’agitation générale. Emerson Fittipaldi, Jackie Oliver et Peter Revson réclament tous trois la coupe. L’argumentaire de Lotus est simple. Comment Revson a pu gagner, il a passé toute la course derrière Fittipaldi. Sauf que Lotus omet le fait que l’arrêt de son pilote ait duré trente secondes de plus que celui de Revson !
La direction de course ne sait pas par où commencer. Pas de caméras, pas de télémétrie… Pour décider du vainqueur, les commissaires additionnent manuellement tous les temps au tours des pilotes ! Il y avait 26 pilotes d’engagés pour 80 tours de course, imaginez la taille du boulot. Mais la décision tombe rapidement car quatre heures plus tard, Peter Revson est officiellement désigné comme l’heureux élu, trente-deux secondes devant Emerson Fittipaldi et trente-quatre secondes devant Jackie Oliver. Jean-Pierre Beltoise, le grand perdant du jour, manque le podium pour moins de deux secondes.
La grande première de la voiture de sécurité en Formule 1 en a laissé de marbre plus d’un. Il faut dire qu’à cause d’elle, la course a été complètement faussée et a provoqué moult migraines. La Commission Sportive Internationale fait la chose la plus censée et met la SC (petite allitération, c’est cadeau) au placard pendant vingt ans. En 1993, avec des technologies de chronométrage déjà plus avancées, on revoit la voiture de sécurité en F1. Cette fois-ci pas de Porsche 914 mais une… Fiat Tempra. Elle sera vite remplacée par une Opel Vectra puis une Clio Williams.
Que le chemin fut laborieux avant l’arrivée des Mercedes CLK…
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Preums
Sinon niveau haut niveau à Mosport, il y a Ian “Crashley” Ashley qui a dégommer une tour de téloche en 1977 durant les essais. Et en plus avec quasiment rien à la fin.