Même quand on s’appelle la Scuderia Ferrari, on a déjà eu des moments de lose. Par exemple, il y a 25 ans, peu étaient fiers d’afficher leur amour pour le cheval cabré. Surtout après l’épisode de Monza 1995…
CHE VERGOGNA
Ah, quelles étaient belles les années 1990 ! Si marquantes en sport auto mais terriblement cruelles pour la Scuderia. Rendez-vous compte, en cinq ans Ferrari n’a réussi à accrocher que huit victoires. Huit, c’est aussi les années qui se sont écoulées après leur dernier doublé. Nada entre le Grand Prix d’Espagne 1990 et le Grand Prix d’Italie 1998. Un gouffre.
Nous sommes en 1995 et Ferrari connaît une véritable traversée du désert. Le paroxysme de cet insuccès se situe entre 1991 et 1993 : 0 pole position, 0 victoire, 2 meilleurs tours et… 56 abandons. Tout ça en 96 départs.
ORGOGLIO E NOIE MECCANICHE
Un sursaut d’orgueil intervient en 1994 avec une victoire en Allemagne puis en 1995 au Canada avec notre Jean Alesi national. Il faut dire que quand elles ne cassaient pas, les Ferrari 412T1 et 412T2 se montraient particulièrement véloces. D’ailleurs, la Scuderia avait de quoi espérer une victoire sur ses terres en 1994. Leurs pilotes Alesi et Berger avaient verrouillé la première ligne, c’était les seuls à tourner en 1’23 pour vous dire. Le lendemain, rien ne se passe comme prévu. Alesi casse sa boîte alors qu’il mène la course, Berger rate son arrêt et doit se contenter d’une deuxième place.
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A l’approche de l’édition 1995, le moindre couac est à proscrire donc. En Italie, Ferrari c’est une religion. Si les hommes en rouge ne font pas bonne figure à domicile, le lynchage est immédiat et bon Dieu qu’il fait mal.
TELECAMERA
Ça, Jean Alesi et Gerhard Berger l’ont bien compris et ils ne commettent aucune erreur. C’est plutôt leurs adversaires qui font n’importe quoi : le leader David Coulthard se sort (article à paraître), Damon Hill s’empale sur Michael Schumacher… Du pain béni pour Ferrari.
Tour 30. Alesi et Berger mènent la danse. Herbert, troisième, vient d’effectuer son arrêt au stand et ne semble pas en mesure d’aller chercher les bolides rouges. Les tifosi explosent à chaque passages des numéros 27 et 28 mais il reste encore une vingtaine de tours à parcourir.
A cette époque, nous sommes encore au balbutiement des caméras embarquées et certaines voitures n’en possèdent pas. C’est le cas de Berger par exemple mais pas d’Alesi qui est équipé d’une caméra sur le support droit de l’aileron arrière. L’installation est de fortune et fait peine à voir : après un arrêt au stand expéditif, un mécanicien frappe la caméra qui n’est même plus droite. Tant pis, les images restent impressionnantes. On peut voir Berger sur les talons d’Alesi, le tout accompagné du cri strident propre au V12 de Maranello… Un délice.
Tour 33. Les tifosi ne le savent pas encore, mais c’est la dernière fois qu’ils voient Berger franchir la ligne de départ. Tout s’arrête 900 mètres plus tard. A la fin du troisième virage, Curva Grande, la suspension avant gauche du pilote autrichien explose ! Sur trois roues, il est contraint d’abandonner. Seul Alesi continue mais… mais sans sa caméra ? Elle est tombée d’elle-même à la sortie du virage et elle est venue se fracasser contre la suspension de Gerhard Berger !
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SFORTUNALESI
Ferrari est meurtrie même s’il reste l’espoir Alesi qui caracole en tête. Cependant, un panache de fumée s’échappe de sa voiture… Il reste moins de dix tours, Herbert lui reprend presque une seconde par tour. La Ferrari semble de plus en plus instable et on voit que la partie arrière droite de la voiture est en train de brûler. A la fin du tour 45, Alesi gare sa voiture au stand. On fait signe au pilote de couper le moteur et ce devant une tribune principale remplie d’Italiens livides.
Les raisons de cet abandon ? Trois fois rien. Un roulement de roue a cassé, chose qui arrive une fois tous les siècles disons. Et cette casse serait due à celle de sa caméra ! Des fils électriques se seraient mis à pendouiller et auraient interféré avec sa roue arrière, causant l’abandon.
Jamais cela ne s’est vu en F1 et jamais cela ne se reverra. Scénario impensable, concours de circonstances ahurissant. Une telle guigne impose le respect. En résumé :
- La Ferrari de Jean Alesi était équipée d’une caméra qui n’avait même pas lieu d’être car les équipes n’étaient pas encore obligées d’en installer sur leurs voitures.
- Alors qu’il était en tête, sur les terres de son équipe, sa caméra se détache en pleine course…
- …Pour venir percuter la suspension de son équipier, Gerhard Berger, deuxième.
- La casse de la caméra de Jean Alesi va ensuite provoquer son abandon pour une raison ridicule.
- Ferrari perd un doublé offert sur un plateau et devra attendre 1998 pour en refaire un à domicile.
Cette situation rocambolesque laisse un Johnny Herbert hébété sur la plus haute marche du podium. Les tifosi, beaux joueurs, l’accueillent avec un concert de sifflets. Herbert, beau joueur lui aussi, répond à la foule avec un majeur bien tendu et un sourire jusqu’aux oreilles.
Comme quoi, on a beau être la grande Scuderia Ferrari, personne n’échappe aux moments moy1™.