[:fr]
On s’est volontiers moqué des performances de HRT, Caterham ou Marussia/Manor il y a quelques années. Mais ces trois équipes peuvent se targuer d’avoir tenu plusieurs saisons dans l’élite, ce qui n’est pas du tout le cas de certains…
En F1 comme dans n’importe quel autre sport, la préparation est très importante et ne doit surtout pas être mise de côté. Cela concerne les pilotes comme les équipes, voyez plutôt.
Lola. Ce constructeur britannique avait très bonne réputation dans le milieu du sport automobile. Depuis les années 1960, impossible de ne pas croiser leurs voitures : F1, F2, F3, F3000, CART, ChampCar, Endurance, GT, CanAm… la liste n’est même pas exhaustive. Et ils gagnaient ! C’est aux Etats-Unis que leur hégémonie fut la plus forte, à tel point que 90% du plateau CART était équipé de châssis Lola entre 1989 et 1993.
VIE DE FOURNISSEUR
Eric Broadley, père fondateur de Lola, se lance en F1 en 1962. Tout comme les célèbres Reynard et Dallara, le constructeur s’en tient à la fourniture de châssis. Au fil des années, Lola s’associe à de grands noms du sport automobile lançant leur propre équipe tels Reg Parnell, Graham Hill, Carl Haas ou Gérard Larrousse.
L’association Lola Hill dure deux ans avec des résultats peu probants. Celle avec Haas connaît le même sort malgré des pilotes de très bonne facture comme Alan Jones et Patrick Tambay. Avec Larrousse, le succès n’est pas franchement au rendez-vous non plus et l’équipe va jusqu’à affronter l’épreuve des préqualifications de 1989 à 1990. Etant dans l’impossibilité de payer son ardoise, Larrousse doit se trouver un autre fournisseur à compter de 1992.
La dernière saison de Lola, en association avec la Scuderia Italia, remonte à 1993 avec la terrible T93/30 arborant une magnifique livrée Chesterfield. La voiture était tellement mauvaise que l’équipe sombre avant même la fin de la saison. Les années 1990 sont cruelles pour Lola. Le constructeur ne récolte que les miettes en Formule 3000 et en CART alors que Reynard enchaîne les succès. Il faut donc se relancer ailleurs.
RETOUR MOUVEMENTÉ
Fini les temps de fournisseur, Lola veut être une équipe de F1 à part entière. Entre 1994 et 1995, les Anglais tentent un come-back avec leur laboratoire-roulant : la T95/30. Toutefois, les changements intempestifs de réglementation entre 1993 et 1996 couplés à l’inexistence de soutiens financiers mettent à mal les plans de l’équipe.
Nous sommes désormais en 1996. Michael Schumacher en est à peine à sa première saison chez Ferrari. En début d’année, on annonce une nouvelle équipe. Non, ce n’est pas Lola mais Stewart Grand Prix. Fondée par le fils du triple champion du monde de F1, Stewart a le soutien inconditionnel de Ford ; les billets ne manquent donc pas. Alors que chez Lola c’est toujours pas ça… Après avoir repoussé maintes et maintes fois son retour en F1, l’annonce est enfin faite. Il se fera en 1998 avec un V10 fait maison et le soutien d’un puissant sponsor qui n’est autre que MasterCard.
Mais rien ne va aller comme prévu. MasterCard ne peut se permettre d’attendre aussi longtemps et presse inlassablement Broadley pour qu’il fasse entrer son équipe un an plus tôt. Ne pouvant se passer d’un tel soutien financier, Lola cède et anticipe son arrivée. Cependant il y a un hic. Un très gros.
RETARD SNCF-ESQUE
Décembre 1996. Deux mois déjà que la saison est finie. Tous, je dis bien tous, tournent avec leur nouveau modèle 1997. Ferrari le fait, McLaren le fait, Sauber le fait, même Stewart a déjà sa voiture de prête. Lola en est très loin. A vrai dire, l’équipe commence à peine à dessiner sa voiture ! Rien n’est prêt, pneus y compris : aucun contrat n’a encore été signé avec Goodyear ou Bridgestone…
Le premier Grand Prix de la saison a lieu dans trois mois à peine. Même si ce délai semble long, c’est quelque chose d’extrêmement court en Formule 1. C’est comme si l’on vous demandait de cuire du riz « prêt en deux minutes » en trente secondes. C’est faisable, certes, mais le résultat sera mauvais et donnera mal au ventre.
Trois mois, c’est également trop court pour construire un moteur digne de ce nom. Lola repousse l’introduction de son V10 à la mi-saison 97 et va demander, enfin, implorer Ford de leur fournir des moteurs. Ford accepte or les voilà équipés de moteurs V8… d’occasion… qui datent de deux ans ! A titre de comparaison, les « rivaux » Stewart bénéficient des tout derniers moteurs Ford V10. En somme, Lola a des moteurs qui rendent presque 100 chevaux à leurs concurrents… Un véritable gouffre.
Et leurs pilotes alors, sont-ils bon ? Bien sûr que non. Ils signent Vincenzo Sospiri, italien de profession et champion de Formule 3000 en 1995. Le jeune espoir de toute une nation va bientôt fêter ses… 31 ans. Il sera l’équipier de Ricardo Rosset do Brazil. Le talent du pauliste est plus complexe à cerner que chez son équipier. D’un côté il termine second de la F3000 en 1995 pour sa première saison, de l’autre c’est sa capacité à se mettre dehors qui lui a valu le titre de pire pilote F1 1996. Bénéficiant d’une grosse valise remplie de réaux brésiliens, c’est une recrue de choix pour Lola. Avec une paire Sospiri-Rosset, l’équipe a de quoi effrayer les cadors comme Ferrari ou Williams.
PRÉSENTATION
Fiiiiiiinalement le 27 février 1997, SEPT JOURS avant le coup d’envoi du championnat, Lola présente sa voiture ! Nom de code : T97/30. Les premiers tests ont lieu dans la précipitation… sur une ligne droite. C’en est déjà trop pour le moteur Ford qui casse après quelques minutes. Quelques jours plus tard, on revoit la Lola. L’équipe ne fait qu’une poignée de tours et constate un loup monstre dans la voiture. A ce stade-là, ce n’est plus un loup mais le renard à neuf queues en personne. Pour faire simple, la voiture est tellement mal conçue qu’elle produit trop de traînée en ligne droite pour aller vite ET elle ne génère pas assez d’appui pour tourner correctement ! Un véritable tour de force aérodynamique.
Impossible de prendre un virage, impossible d’aller vite, impossible de chauffer les pneus… En résumé, la T97/30 est la version automobile de « Je n’suis pas bien portant » de notre cher Gaston Ouvrard. Essayez chez vous, ça colle parfaitement.
J’ai l’moteur // Qui se meurt
J’ai la boîte // Qu’est pas droite
Les ailerons // Pas très bons
Mes pilotes // D’la cam’lote
107 POURCENT
La FIA, régissant sur la F1, ne manque jamais d’idées. En 1996, c’est la règle des 107% qui est introduite pour limiter le nombre de pilotes lents pendant les qualifications. Les pilotes tournant à 107% du meilleur temps sont automatiquement non admis pour la course. Pour l’instant, le record de lenteur sous cette règle est détenu par Andrea Montermini avec un temps à 110.5% du meilleur temps (= neuf secondes plus lent). Mais ça, c’était avant les Lola…
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=XDPusx1yR68&w=656&h=369]
Les équipes s’installent à Melbourne, en Australie, pour la première course. Avec seulement deux séances (calamiteuses) d’essais privés dans les jambes, Lola va se viander méchamment. Seul Broadley soutient mordicus que non mais personne n’est dupe. Le vendredi, Rosset et Sospiri sont relégués à dix et douze secondes du meilleur temps. Le weekend va être long. L’équipe est totalement perdue dans les réglages, ils sont 30km/h plus lent sur un seul tour ! Lors des qualifications, tous améliorent leurs temps sauf deux : ni Rosset ni Sospiri n’arrivent à tourner plus vite que lors des essais. Ils étaient tellement lents que leurs tours n’avaient pas de temps mais une date d’expiration (rires). A vrai dire, leurs temps auraient pu les mettre en bonne position (et encore…) en F3000 ! A l’époque, il y avait un écart d’une dizaine de secondes entre les deux catégories. Comme dirait La Fouine : « hassoul à vous de juger. »
A l’issue des qualifs, Vincenzo Sospiri est à onze secondes et demi de la pole position. Le plus dramatique est que Sospiri, le rookie, celui qui a à peine touché une F1 de sa vie, devance d’une seconde pleine son équipier Ricardo Rosset bien plus expérimenté ! Et les 107% alors ? Pour tout vous dire, ça s’est joué de peu. Sospiri a signé un temps à 112.9% et Rosset à 114.2% ! Record absolu de lenteur sur piste sèche (du temps des 107%).
TROIS P’TITS TOURS ET PUIS…
Broadley et Lola prennent une grosse claque. Eux qui voyaient dominer Stewart vont à peine plus vite que des Formule 3000 ! Une aberration pour MasterCard qui remet sérieusement en question son contrat de sponsoring. Après avoir gambergé le temps de quelques jours, la décision tombe.
MasterCard casse son contrat avant même le second Grand Prix de la saison ! Broadley et ses hommes font le déplacement au Brésil, théâtre de la deuxième course… et font aussitôt demi-tour. Lola déclare forfait pour les courses suivantes : sans fonds, impossible de continuer. L’équipe essaie de trouver de nouveaux capitaux mais comment les convaincre après leur terrible prestation à Melbourne ? Le mal a été fait, on ne verra plus jamais les voitures bariolées sur les circuits. Le fiasco est total puisque le jeu vidéo officiel de la saison 1997 n’offre pas la possibilité de piloter la T97/30… Monde de merde.
Comme dirait la pub : « Il y a certaines choses* qui ne s’achètent pas, pour le reste il y a Lola MasterCard. »
*la gloire, le talent, le respect, etc.
Faites un tour chronométré sur la page Facebook et le compte Twitter de Formule moy1 et ne ratez rien des prochaines publications !
[:en]
We made fun of HRT, Caterham and Manor… « performances » a few years ago. But those three teams could boast of being in Formula 1 for several seasons, which is not the case for some…
In F1 as in any other sports, preparation plays a crucial role. As it’s very important, one just can’t take it lightly. Both drivers and teams may be concerned. Just see for yourself.
Lola. This British car manufacturer had and still has a very good reputation in motorsport. Since the 1960s, it has been impossible not to see one of their cars during a motorsport event: F1, F2, F3, F3000, CART, ChampCar, Endurance, GT, CanAm… the list is not even exhaustive. And they won stuff! Their hegemony was the strongest in the United States. Between 1989 and 1993, 90% of the CART field ran Lola chassis!
A LIFE OF SUPPLIER
Eric Broadley, founding father of Lola, first came in F1 in 1962. Just like Reynard and Dallara, Lola stuck to chassis supplying. Over the years, the structure teamed up with motorsport biggest cheeses: Reg Parnell, Graham Hill, Carl Haas, Gérard Larrousse…
The Lola-Hill association lasted for two years, with inconclusive results. With Carl Haas, the team had nice backings and top-rated drivers, Alan Jones and Patrick Tambay. But in the end, the team folded after two years of racing. The next association, with Larrousse, wasn’t so great either. Super Aguri Suzuki scored a podium-finish at home in 1990 but the team had to face prequalifications. Unable to pay the bills, Larrousse and Lola parted ways for 1992.
The latest season of Lola in Formula 1 saw the manufacturer join forces with Scuderia Italia. ‘Twas in 1993, when the awesome T93/30 rocked a beautiful Chesterfield livery. Although it looked good, the car was so bad the team pulled the plug before the season even ended. The 1990s are truly cruel for Lola. The manufacturer only had the scraps in Formula 3000 and CART, while Reynard kept on winning races. If Lola wanted to survive, they had to go elsewhere.
HECTIC COMEBACK
The days of supplying are over. Lola wants to be a full-fledged F1 team. Between 1994 and 1995, the British structure attempted a comeback in the pinnacle of motorsport with a rolling lab: the T95/30. However, the FIA changed the rules many times between 1993 and 1996. This, paired with a lack of financial support, gunned down the team plans.
We are in 1996. Michael Schumacher just joined Scuderia Ferrari. Before the season started, a new team is announced. No, it’s not Lola but Stewart Grand Prix. Founded by the son of three-time world champion Jackie Stewart, the British team has the full support of Ford; blue benjamins are not lacking. Meanwhile at Lola’s HQ, the whole crew struggle to find a couple of pence… After postponing its comeback in F1 over and over again, Lola finally made the long-awaited announcement. They’ll come back in 1998 with a car powered by a homemade V10 engine within a team financially powered by MasterCard.
Nothing will go as planned though. MasterCard cannot afford to wait that long and relentlessly presses Broadley to make some changes. Unable to survive without financial support, Lola yields and will come back a year ahead of schedule. However there is an issue. A very big one.
FRENCH-TRAIN-COMPANYESQUE DELAY
December 1996. The F1 season has been over for two months now. All of the teams, I mean every one of them, are working their arse off on their new 1997 car. Ferrari is working, McLaren is working Sauber is working, hell, even Stewart already has its car ready. Lola is very far away from that. In fact, the team just started to draw its car! Nothing is ready, tires included: no contract has yet been signed with Goodyear or Bridgestone…
The 1997 season-opener is scheduled in three months from now. Even though this delay seems long, it’s something extremely short in Formula 1. It’s like asking you to cook two-minute rice in thirty seconds. That’s certainly doable but the result will be bad and will make your tummy hurt.
Three months, that’s way too short to build a real F1 engine too. Lola postpones its introduction to mid-1997 and then politely asks, well, implores Ford to provide engines. Ford kindly accepts Lola’s money in exchange of used V8 engines… which are two years old! For comparison, Lola’s « rivals » Stewart have the latest Ford V10 engines. In a nutshell, there’s a 100 horsepower gap between Lola and the others… What the hell.
And the drivers then, are they good? Of course they aren’t. Lola appoints Vincenzo Sospiri, Italian by profession and 1995 Formula 3000 champion. The young hope of a whole nation will soon turn… 31. His teammate will be Ricardo Rosset do Brazil. Here at Formule moy1, we had a rough time indentifying his talent. On one hand, he was runner-up in the 1995 F3000 season, and on the other hand it was his ability to drive off the racetrack that earned him the title of the worst 1996 F1 driver. Being equipped with a large Brazilian rals-filled suitcase, Rosset is the perfect match for Lola. That Sospiri-Rosset pair, that’s some nightmare fuel right there. The team has something to scare Ferrari or Williams, definitely.
PRESENTATION
Fiiiiiiiinally, on February 27, 1997, SEVEN DAYS prior to the season kickoff, Lola presents its car! Code name: T97/30 . The official shakedown takes place in a hurry… on a straight line. That’s too much to ask for the poor Ford engine, which breaks down shortly after. A few days later, Lola is on to a new test. The team only makes a handful of laps and finds out a monster issue. Put simply, the car is so badly designed that it produces way too much drag in a straight line to go fast AND it doesn’t generate enough downforce to turn properly! A real aerodynamic tour de force.
107 PERCENT
The FIA, governing body of F1, never runs out of ideas. In 1996, the 107% rule is introduced to get rid of slow drivers. During qualifying, drivers lapping 107% below the poleman won’t be allowed to race on Sunday. Back then, Andrea Montermini held the record of slowness on a qualy session with a time 110.5% (= nine seconds) slower. Then, the Lolas happened.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=XDPusx1yR68&w=656&h=369]
The F1 Circus unpacks in Melbourne, Australia, for the first race of the season. Two (calamitous) runs in private tests were all the experience Lola had. It was agreed that the British team will suffer. Only Broadley argues the opposite, nobody is fooled though. On Friday, Rosset and Sospiri are ten and twelve seconds slower than the fastest time. The weekend will be long. The team is lost in its setup. Both drivers are 18 mph slower than the rest of the field on a single lap! During qualifying, all drivers improve their free practice times… except two: neither Rosset nor Sospiri can lap faster. Both were so slow their laps didn’t have a time but an expiration date [laughs in the assembly]. To be honest, Lola’s qualifying struggle could’ve put its drivers on pole… only if they raced in F3000!
Were their times that bad? Yes, big time. Vincenzo Sospiri is eleven and a half seconds away from pole position. The most dramatic thing is that the rookie Sospiri, a driver that barely drove an F1 car prior to this race, this guy is a full second ahead of his much more experienced teammate Ricardo Rosset! Converted to percent, Sospiri and Rosset were respectively 112.9% and 114.2% slower! That’s the absolute record of slowness on a dry track (when the 107% rule was still a thing).
EARLY CLOSURE
Rude awakening for Broadley and Lola. Those guys, who thought Stewart would be a direct rival, are barely faster than a Formula 3000 car! An aberration for MasterCard, it calls its sponsorship contract into question. The American corporation dwells on it for a few days and a final verdict was in.
MasterCard ceases its support with immediate effect! Broadley and his boys travel to Brazil for the next race… and instantly turn back. Lola withdrew: without funds, impossible to carry on. The team tried to find new backings but how can you convice anyone to give you money after that god-awful Melbourne performance? Now the damage is done, we won’t see the colorful cars on the F1 racetracks no more. The washout is total because the official video game « F1 1997 » didn’t even include the T97/30… Is there any justice in this world?
As the ad said: « A deal with a tyre supplier: $5M. An F1 inscription fee: $20M. Lose your entire credibility after four official sessions? Priceless. »
Why not clock the fastest lap on Formule moy1’s Facebook page and Twitter account? You won’t miss new articles when they (eventually) drop![:es]
On s’est volontiers moqué des performances de HRT, Caterham ou Marussia/Manor il y a quelques années. Mais ces trois équipes peuvent se targuer d’avoir tenu plusieurs saisons dans l’élite, ce qui n’est pas du tout le cas de certains…
En F1 comme dans n’importe quel autre sport, la préparation est très importante et ne doit surtout pas être mise de côté. Cela concerne les pilotes comme les équipes, voyez plutôt.
Lola. Ce constructeur britannique avait très bonne réputation dans le milieu du sport automobile. Depuis les années 1960, impossible de ne pas croiser leurs voitures : F1, F2, F3, F3000, CART, ChampCar, Endurance, GT, CanAm… la liste n’est même pas exhaustive. Et ils gagnaient ! C’est aux Etats-Unis que leur hégémonie fut la plus forte, à tel point que 90% du plateau CART était équipé de châssis Lola entre 1989 et 1993.
VIE DE FOURNISSEUR
Eric Broadley, père fondateur de Lola, se lance en F1 en 1962. Tout comme les célèbres Reynard et Dallara, le constructeur s’en tient à la fourniture de châssis. Au fil des années, Lola s’associe à de grands noms du sport automobile lançant leur propre équipe tels Reg Parnell, Graham Hill, Carl Haas ou Gérard Larrousse.
L’association Lola Hill dure deux ans avec des résultats peu probants. Celle avec Haas connaît le même sort malgré des pilotes de très bonne facture comme Alan Jones et Patrick Tambay. Avec Larrousse, le succès n’est pas franchement au rendez-vous non plus et l’équipe va jusqu’à affronter l’épreuve des préqualifications de 1989 à 1990. Etant dans l’impossibilité de payer son ardoise, Larrousse doit se trouver un autre fournisseur à compter de 1992.
La dernière saison de Lola, en association avec la Scuderia Italia, remonte à 1993 avec la terrible T93/30 arborant une magnifique livrée Chesterfield. La voiture était tellement mauvaise que l’équipe sombre avant même la fin de la saison. Les années 1990 sont cruelles pour Lola. Le constructeur ne récolte que les miettes en Formule 3000 et en CART alors que Reynard enchaîne les succès. Il faut donc se relancer ailleurs.
RETOUR MOUVEMENTÉ
Fini les temps de fournisseur, Lola veut être une équipe de F1 à part entière. Entre 1994 et 1995, les Anglais tentent un come-back avec leur laboratoire-roulant : la T95/30. Toutefois, les changements intempestifs de réglementation entre 1993 et 1996 couplés à l’inexistence de soutiens financiers mettent à mal les plans de l’équipe.
Nous sommes désormais en 1996. Michael Schumacher en est à peine à sa première saison chez Ferrari. En début d’année, on annonce une nouvelle équipe. Non, ce n’est pas Lola mais Stewart Grand Prix. Fondée par le fils du triple champion du monde de F1, Stewart a le soutien inconditionnel de Ford ; les billets ne manquent donc pas. Alors que chez Lola c’est toujours pas ça… Après avoir repoussé maintes et maintes fois son retour en F1, l’annonce est enfin faite. Il se fera en 1998 avec un V10 fait maison et le soutien d’un puissant sponsor qui n’est autre que MasterCard.
Mais rien ne va aller comme prévu. MasterCard ne peut se permettre d’attendre aussi longtemps et presse inlassablement Broadley pour qu’il fasse entrer son équipe un an plus tôt. Ne pouvant se passer d’un tel soutien financier, Lola cède et anticipe son arrivée. Cependant il y a un hic. Un très gros.
RETARD SNCF-ESQUE
Décembre 1996. Deux mois déjà que la saison est finie. Tous, je dis bien tous, tournent avec leur nouveau modèle 1997. Ferrari le fait, McLaren le fait, Sauber le fait, même Stewart a déjà sa voiture de prête. Lola en est très loin. A vrai dire, l’équipe commence à peine à dessiner sa voiture ! Rien n’est prêt, pneus y compris : aucun contrat n’a encore été signé avec Goodyear ou Bridgestone…
Le premier Grand Prix de la saison a lieu dans trois mois à peine. Même si ce délai semble long, c’est quelque chose d’extrêmement court en Formule 1. C’est comme si l’on vous demandait de cuire du riz « prêt en deux minutes » en trente secondes. C’est faisable, certes, mais le résultat sera mauvais et donnera mal au ventre.
Trois mois, c’est également trop court pour construire un moteur digne de ce nom. Lola repousse l’introduction de son V10 à la mi-saison 97 et va demander, enfin, implorer Ford de leur fournir des moteurs. Ford accepte or les voilà équipés de moteurs V8… d’occasion… qui datent de deux ans ! A titre de comparaison, les « rivaux » Stewart bénéficient des tout derniers moteurs Ford V10. En somme, Lola a des moteurs qui rendent presque 100 chevaux à leurs concurrents… Un véritable gouffre.
Et leurs pilotes alors, sont-ils bon ? Bien sûr que non. Ils signent Vincenzo Sospiri, italien de profession et champion de Formule 3000 en 1995. Le jeune espoir de toute une nation va bientôt fêter ses… 31 ans. Il sera l’équipier de Ricardo Rosset do Brazil. Le talent du pauliste est plus complexe à cerner que chez son équipier. D’un côté il termine second de la F3000 en 1995 pour sa première saison, de l’autre c’est sa capacité à se mettre dehors qui lui a valu le titre de pire pilote F1 1996. Bénéficiant d’une grosse valise remplie de réaux brésiliens, c’est une recrue de choix pour Lola. Avec une paire Sospiri-Rosset, l’équipe a de quoi effrayer les cadors comme Ferrari ou Williams.
PRÉSENTATION
Fiiiiiiinalement le 27 février 1997, SEPT JOURS avant le coup d’envoi du championnat, Lola présente sa voiture ! Nom de code : T97/30. Les premiers tests ont lieu dans la précipitation… sur une ligne droite. C’en est déjà trop pour le moteur Ford qui casse après quelques minutes. Quelques jours plus tard, on revoit la Lola. L’équipe ne fait qu’une poignée de tours et constate un loup monstre dans la voiture. A ce stade-là, ce n’est plus un loup mais le renard à neuf queues en personne. Pour faire simple, la voiture est tellement mal conçue qu’elle produit trop de traînée en ligne droite pour aller vite ET elle ne génère pas assez d’appui pour tourner correctement ! Un véritable tour de force aérodynamique.
Impossible de prendre un virage, impossible d’aller vite, impossible de chauffer les pneus… En résumé, la T97/30 est la version automobile de « Je n’suis pas bien portant » de notre cher Gaston Ouvrard. Essayez chez vous, ça colle parfaitement.
J’ai l’moteur // Qui se meurt
J’ai la boîte // Qu’est pas droite
Les ailerons // Pas très bons
Mes pilotes // D’la cam’lote
107 POURCENT
La FIA, régissant sur la F1, ne manque jamais d’idées. En 1996, c’est la règle des 107% qui est introduite pour limiter le nombre de pilotes lents pendant les qualifications. Les pilotes tournant à 107% du meilleur temps sont automatiquement non admis pour la course. Pour l’instant, le record de lenteur sous cette règle est détenu par Andrea Montermini avec un temps à 110.5% du meilleur temps (= neuf secondes plus lent). Mais ça, c’était avant les Lola…
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=XDPusx1yR68&w=560&h=315]
Les équipes s’installent à Melbourne, en Australie, pour la première course. Avec seulement deux séances (calamiteuses) d’essais privés dans les jambes, Lola va se viander méchamment. Seul Broadley soutient mordicus que non mais personne n’est dupe. Le vendredi, Rosset et Sospiri sont relégués à dix et douze secondes du meilleur temps. Le weekend va être long. L’équipe est totalement perdue dans les réglages, ils sont 30km/h plus lent sur un seul tour ! Lors des qualifications, tous améliorent leurs temps sauf deux : ni Rosset ni Sospiri n’arrivent à tourner plus vite que lors des essais. Ils étaient tellement lents que leurs tours n’avaient pas de temps mais une date d’expiration (rires). A vrai dire, leurs temps auraient pu les mettre en bonne position (et encore…) en F3000 ! A l’époque, il y avait un écart d’une dizaine de secondes entre les deux catégories. Comme dirait La Fouine : « hassoul à vous de juger. »
A l’issue des qualifs, Vincenzo Sospiri est à onze secondes et demi de la pole position. Le plus dramatique est que Sospiri, le rookie, celui qui a à peine touché une F1 de sa vie, devance d’une seconde pleine son équipier Ricardo Rosset bien plus expérimenté ! Et les 107% alors ? Pour tout vous dire, ça s’est joué de peu. Sospiri a signé un temps à 112.9% et Rosset à 114.2% ! Record absolu de lenteur sur piste sèche (du temps des 107%).
TROIS P’TITS TOURS ET PUIS…
Broadley et Lola prennent une grosse claque. Eux qui voyaient dominer Stewart vont à peine plus vite que des Formule 3000 ! Une aberration pour MasterCard qui remet sérieusement en question son contrat de sponsoring. Après avoir gambergé le temps de quelques jours, la décision tombe.
MasterCard casse son contrat avant même le second Grand Prix de la saison ! Broadley et ses hommes font le déplacement au Brésil, théâtre de la deuxième course… et font aussitôt demi-tour. Lola déclare forfait pour les courses suivantes : sans fonds, impossible de continuer. L’équipe essaie de trouver de nouveaux capitaux mais comment les convaincre après leur terrible prestation à Melbourne ? Le mal a été fait, on ne verra plus jamais les voitures bariolées sur les circuits. Le fiasco est total puisque le jeu vidéo officiel de la saison 1997 n’offre pas la possibilité de piloter la T97/30… Monde de merde.
Comme dirait la pub : « Il y a certaines choses* qui ne s’achètent pas, pour le reste il y a Lola MasterCard. »
*la gloire, le talent, le respect, etc.
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